Uit: Alexis Jenni, L’art français de la guerre:
La force et la ressemblance sont deux idées stupides d’une incroyable rémanence ; on n’arrive pas à s’en défaire. Elles sont deux croyances aux vertus physiques de notre monde, deux idées d’une telle simplicité qu’un enfant peut les comprendre ; et quand un homme qui possède la force est animé d’idées d’enfant, il fait d’effroyables ravages. La ressemblance et la force sont les idées les plus immédiates que l’on puisse concevoir, elles sont si évidentes que chacun les invente sans qu’on les lui enseigne. On peut construire sur ces fondations un monument intellectuel, un mouvement d’idées, un projet de gouvernement qui aura de l’allure, qui tombera sous les sens (l’expression est un présage), mais si absurde et si faux qu’à la moindre application il s’effondrera, écrasant dans sa chute des victimes par milliers. Mais on en tirera aucune leçon, la force et la ressemblance n’évoluent jamais. On pense après l’échec, en comptant les morts, qu’il aurait juste suffi d’un peu plus de force ; qu’il aurait juste suffi d’avoir mesuré avec un peu plus de précision les ressemblances. Les idées stupides sont immortelles tant elles vivent au plus près de notre coeur. Ce sont des idées d’enfant : les enfants rêvent toujours de plus de force, et ils cherchent à qui ils ressemblent.